Postface

Avec la conclusion abrupte du manuscrit de Sible Hedingham, les documents qui décrivent ces événements arrivent à leur terme.

Il est désormais évident que, le 5 janvier 1477, la nature de notre univers a subi une modification significative.

Pour résumer : à ce point donné, les événements de l’histoire humaine jusqu’à cette date ont été modifiés, et la perception qu’une histoire différente et subséquente s’était déroulée a dès lors prévalu. Ce n’était ni l’histoire précédente de la race humaine, ni le futur souhaité par les intelligences de silicium des « Machines sauvages ». Il est difficile de savoir si notre histoire depuis 1477 est une conséquence aléatoire ou voulue du « miracle ».

Quelle que soit la vérité, il demeure indéniable que la capacité des esprits humains à modifier de façon consciente le front de vague des probabilités au point de le voir s’effondrer en une seule réalité a été éradiquée. L’existence humaine s’est poursuivie dans un univers cohérent et rationnel, soutenu par l’esprit collectif de l’espèce humaine, protégé et préservé par l’histoire antérieure modifiée, cette « Bourgogne perdue » qui demeure en nous comme le souvenir d’un mythe.

Si l’univers n’est pas idéal, au moins reste-t-il cohérent. L’humanité conserve le pouvoir de choisir entre un bien et un mal humains.

Je sais bien que ces conclusions, tirées de ces textes et des traces archéologiques disponibles, vont susciter la controverse. J’ai cependant la conviction qu’il est essentiel de les faire largement connaître, pour agir en conséquence.

Les lois de la cause et de l’effet opèrent de façon cohérente dans la sphère d’influence humaine. Même si nous ignorons la nature de l’univers, par ailleurs, en d’autres lieux. Nous sommes un seul monde parmi des millions, dans une galaxie parmi des milliards, dans un univers tellement vaste que ni la lumière ni notre entendement ne peuvent le traverser. Les lois locales qui prévalent ici et que nous sommes en mesure d’observer sont rationnelles, cohérentes et prévisibles. Même lorsqu’au niveau subatomique, par exemple, la causalité devient « floue », elle devient floue en accord avec une réalité scientifique, et non en accord avec un chaos aléatoire. Ce qui est aujourd’hui une particule indéterminée restera indéterminé demain, et pas un dragon. Ni un lion ou un cerf.

Si c’était tout, alors, bien que la « Bourgogne perdue » représente une découverte profondément significative sur la façon dont notre univers est construit, ce serait néanmoins une découverte close. Cendres a pris sa décision, la Bourgogne a été « déplacée », la nature de la Bourgogne nous ancre dans la causalité, et voilà où nous sommes.

Sauf que, comme l’ont prouvé de récents événements, « la Bourgogne » commence à échouer. Les faits sont là, incontournables : certaines choses improbables (au sens technique du terme) ont, au cours des soixante dernières années, subi un nouvel effondrement jusqu’à atteindre un état de réalité objective. Le site archéologique de Carthage, bien que les fouilles actuelles soient suspendues, est révélateur à cet égard.

Pour des raisons inconnues, la nature de la Bourgogne a changé de nouveau : peut-être est-elle en train d’échouer, ou a-t-elle cessé d’exister. Les éléments disponibles, je crois, suggèrent que tel est bien le cas.

Je soupçonne que c’est ce « moment du changement » que Vaughan Davies (lors d’une conversation avec l’auteur) a rapporté avoir perçu. Selon ses observations, le changement ne « se poursuit » plus – ou, pour ceux qui en font partie, « ne s’est pas achevé ». Nous voyons actuellement ce moment se terminer. L’intervalle entre 1477 et maintenant représente le laps de temps linéaire nécessaire pour mener à son terme ce moment unique en dehors du temps.

Ce qui était nécessaire a été accompli. La Bourgogne, déplacée en quelque sorte comme une « pointe avancée » de la réalité dans la vague de probabilité, a rendu cet univers humain causal.

Elle ne pourra peut-être pas le conserver dans cet état. La mutation spontanée du « gène du miracle » peut réapparaître. On découvrira peut-être un moyen technologique d’effectuer l’effondrement de ce front de vague.

Qu’est-ce que cela signifie pour nous, en ce moment ?

Sans la Bourgogne perdue, l’esprit collectif de la race humaine continuera à agir comme il l’a toujours fait depuis que notre forme de vie organique a atteint la conscience. Il manipulera la réalité pour qu’elle demeure constante, homogène, cohérente. Demain fera suite à aujourd’hui ; hier ne reviendra plus. C’est ce que nous faisons, ce que fait toute vie organique, si fruste que soit son niveau : nous préservons une réalité constante.

La Bourgogne avait pour rôle, cependant, de protéger notre réalité contre le retour de notre aptitude à faire consciemment s’effondrer le front de vague de la probabilité en une réalité différente, précédemment improbable.

La Bourgogne s’affaiblit, le chaos complexe de l’univers est en train de fusionner à nouveau la Bourgogne avec cette réalité dont, pendant un moment éternel, elle a représenté « l’étrave ». Qu’est-ce qui nous empêchera désormais de devenir, comme l’étaient nos ancêtres, des prêtres et des prophètes, des faiseurs de miracles et des réceptacles de grâce ? Qu’est-ce qui nous empêchera de développer cet élément dans notre conscience organique, ou dans nos machines ?

Rien.

Si nous ne voulons pas voir le tissu matériel de l’univers courir le risque de se défaire, de se déliter en un chaos entropique, une simple soupe quantique, alors nous devons agir à présent.

Je souhaite que cette publication serve d’appel aux armes pour la communauté scientifique. Nous devons enquêter. Nous devons agir. Nous devons empêcher, d’une façon ou d’une autre, l’échec de la « Bourgogne perdue » ; ou créer autre chose à installer à sa place. Sinon, comme Cendres elle-même l’a écrit dans des manuscrits qui n’auraient pas dû exister dans cette deuxième histoire, sinon, alors, un jour futur, tout ce que nous avons accompli ici sera éradiqué, comme si rien n’avait jamais existé.

Je crée un site Web sur ████████████ pour y tenir un forum permanent : j’invite par la présente toute organisation ou individu suffisamment accrédités à s’y connecter. Je mettrai mes informations à disposition.

Nous ne sommes pas encore prêts à devenir des dieux ; peut-être ne le serons-nous jamais.

Pierce Ratcliff

Londres 2001

La dispersion des ténèbres
titlepage.xhtml
La dispersion des tenebres_split_000.htm
La dispersion des tenebres_split_001.htm
La dispersion des tenebres_split_002.htm
La dispersion des tenebres_split_003.htm
La dispersion des tenebres_split_004.htm
La dispersion des tenebres_split_005.htm
La dispersion des tenebres_split_006.htm
La dispersion des tenebres_split_007.htm
La dispersion des tenebres_split_008.htm
La dispersion des tenebres_split_009.htm
La dispersion des tenebres_split_010.htm
La dispersion des tenebres_split_011.htm
La dispersion des tenebres_split_012.htm
La dispersion des tenebres_split_013.htm
La dispersion des tenebres_split_014.htm
La dispersion des tenebres_split_015.htm
La dispersion des tenebres_split_016.htm
La dispersion des tenebres_split_017.htm
La dispersion des tenebres_split_018.htm
La dispersion des tenebres_split_019.htm
La dispersion des tenebres_split_020.htm
La dispersion des tenebres_split_021.htm
La dispersion des tenebres_split_022.htm
La dispersion des tenebres_split_023.htm
La dispersion des tenebres_split_024.htm
La dispersion des tenebres_split_025.htm
La dispersion des tenebres_split_026.htm
La dispersion des tenebres_split_027.htm
La dispersion des tenebres_split_028.htm
La dispersion des tenebres_split_029.htm
La dispersion des tenebres_split_030.htm
La dispersion des tenebres_split_031.htm
La dispersion des tenebres_split_032.htm
La dispersion des tenebres_split_033.htm
La dispersion des tenebres_split_034.htm
La dispersion des tenebres_split_035.htm
La dispersion des tenebres_split_036.htm
La dispersion des tenebres_split_037.htm
La dispersion des tenebres_split_038.htm
La dispersion des tenebres_split_039.htm
La dispersion des tenebres_split_040.htm